Vieillir au pays des vacances

Le slogan de La Baule : « Vivre et travailler au pays des vacances »

Mémoires Vives
6 min ⋅ 23/08/2023

Le slogan de La Baule est « Vivre et travailler au pays des vacances ». Il est détourné de celui lancé par la CFDT en 1976 : « Vivre et travailler au pays ». Cette ambition syndicale figurait sur une affiche, due à l’illustrateur  Rémy Hebding, ancien rédacteur en chef de l’hebdomadaire protestant « Réforme ». L’affiche représentait des villages de campagne sortant de cheminées d'usines. J’en aurais volontiers illustré l’en tête de cette 4ème lettre, mais il s’agit d’une œuvre non reproductible par des tiers. Et je n’ai pas pris le temps de solliciter un accord pour emprunter une image aux Archives CFDT. Rémy Hebding  est l’auteur de nombreux ouvrages consacrés à la rencontre de la pensée contemporaine et l’héritage du protestantisme. Ainsi a-t-il publié en 2015, chez Empreinte Temps présent « De Socrate à Jésus, vers une autre sagesse ». Contributeur fréquent de la revue Autres Temps. Les cahiers du christianisme social, il y a notamment publié, dans le n°2, en 1984 « Réalisme chrétien et CFDT ». 

Pour ceux que le sujet intéresse : www.persee.fr/doc/chris_07532776_1984_num_2_1_93

À La Baule, ce slogan clame une promesse visant les télé travailleurs : venez en masse, cadres et managers, venez jeunes actifs et hauts potentiels, venez renforcer votre productivité en regardant l’océan ! Car La Baule n’est pas seulement une station balnéaire, elle est bien plus que cela : une ville à la mer, une ville pour toute l’année… Même si le nombre d’habitants passe de 17 000 l’hiver à 180 000 l’été.  D’ailleurs, la ville, déjà intégrée dans la catégorie des cités de 40 000 à 80 000 habitants, s’est vue récemment surclassée démographiquement. Le 8 août 2023, un arrêté préfectoral, relayé par un communiqué de la mairie, a publié l’heureuse nouvelle : ce surclassement fait passer la ville dans la catégorie 80 000 à 150 000 habitants. 

À La Baule, c’est comme aux Galeries Lafayette : il se passe toujours quelque chose. Que les moins de 60 ans me pardonnent : ils ne peuvent comprendre cette référence à une (très) ancienne campagne publicitaire de ce fleuron des « grands magasins », aujourd’hui, dit-on, un peu en perte de vitesse.

Le dernier ouvrage de Nicolas SarkozyLe dernier ouvrage de Nicolas SarkozyNe croyez pas que je vais évoquer le lancement du dernier ouvrage de Nicolas Sarkozy, le 22 août. La file des lecteurs impatients en attente d’une dédicace bloquaient les trottoirs de l’avenue de Lattre de Tassigny, depuis le croisement vers le marché jusqu’au début de l’avenue de Gaulle. Cette précision étant sans grand intérêt pour ceux qui n’habitent pas ici, je passe à un autre événement.

La Baule accueille cet été une excellente exposition « Liberté, égalité, crayonnez ! » dédiée au talentueux Plantu, 50 ans de dessins dans le Monde. Le Golem de l’intelligence, appelé Chat GPT (tu parles d’un nom !) tuera-t-il la liberté d’expression en remplaçant les dessinateurs de presse ?  Parions que non. Certains dessins pensés et réalisés par des artistes, tel Plantu, valent les plus forts des éditoriaux : ils sont caractérisés par leur audace. Aucun algorithme ne fait preuve d’audace ; les algorithmes font exclusivement ce qu’on leur dit de faire, ils sont politiquement corrects. Or, ceux qui commandent aux algorithmes sont très rarement des audacieux, ils se contentent d’obéir à ceux qui les paient.  Plantu illustre la réalité, il la caricature moins qu’il n’en révèle le caractère souvent absurde, voire inhumain. On le croit pour, mais non, il est contre. Ou l’inverse. Mais l’on se trompe : Plantu n’est ni pour ni contre, il est juste à côté pour nous aider à réfléchir. Ce faisant, il ose dire, ou plutôt dessiner. Certains dessins présentés dans cette exposition m’ont fascinée. Ainsi celui d’un mollah devant le cadavre sanglant d’une petite fille, salué par des femmes en burkha dont les fragments de visages sont des poings fermés.  Ainsi également la leçon de journalisme d’un élégant cheikh rappelant qu’on ne doit découper ni les articles, ni les journalistes. Je les ai pris en photos que je ne vous montrerai pas. Bien qu’ayant croisé Plantu le soir de sa présence, je n’ai sollicité aucun accord de sa part, ni de dédicace sur l’un de ses ouvrages reposant depuis longtemps dans ma bibliothèque ; une foule trop compacte l’entourait pour que je puisse l’approcher.

Couverture d'un numéro spécial du Monde 1993Couverture d'un numéro spécial du Monde 1993

Archéo BD : « Cohabitation à l’eau de rose », de Plantu, N°spécial du Monde, 1993 PHOTO

Une véritable pépite de 176 pages, que j’ai achetée 55 francs (à moins que je ne l’ai empruntée en oubliant de la rendre). Aujourd’hui, on se la procure, brochée, pour 1,80€ sur Amazon. 176 pages de dessins publiés bien sûr dans le Monde mais aussi dans l’Express, qui traitent d’événements que nous ne devons pas oublier. 

Lesquels ? Le traité de Maastricht, les divagations du SME (oui, le Serpent Monétaire Européen), la maladie du président d’alors, les émeutes à la prison de Clairvaux (tout de même un gardien et un détenu tués), Charles Pasqua, le sang contaminé, la loi Evin contre le tabagisme, le protectionnisme étasunien, le Koweit et l’Irak, l’élection de Bill Clinton, l’ordination des femmes par l’Eglise d’Angleterre, réprouvée par le Vatican qui, dans le même temps, reconnaissait (enfin) l’Etat d’Israël, l’opération « sac de riz » pour la Somalie, les Serbes et les Bosniaques, les attentats meurtriers de Bombay, les législatives françaises et la débandade du PS, la vente d’Adidas par Bernard Tapie, les écoutes téléphoniques élyséennes, Edouard Balladur, Boris Eltsine, le suicide de Pierre Bérégovoy, la réforme du code de la nationalité, une vague d’attentats islamistes en Algérie, les magouilles de l’OM, les critiques de Philippe Seguin contre Balladur, les privatisations et le chômage, enfin les rencontres entre Plantu et Yasser Arafat  en mai 1991 à Tunis, et entre Plantu et Shimon Péres, en novembre 1992, à Jérusalem. Les films de ces derniers événements passaient en boucle dans l’exposition bauloise de Plantu. Vous souvenez-vous de ces actualités d’il y a une trentaine d’années ?

Et maintenant, retrouver le feuilleton de l’été ?

Auparavant, je tiens à m’incliner devant deux anniversaires d’événements qui se sont déroulés en août. Parce que la mémoire est le socle de notre histoire. Et parce que la dénonciation de crimes contre l’humanité, et la poursuite de la lutte pour les faire cesser, sont notre présent.

La 1ère date est celle du 6 août 1942

Au petit matin, dans le ghetto de Varsovie, le docteur Korczak avance, tenant par la main deux jeunes orphelins. Derrière lui, suivent 200 autres enfants, en rang, dans le silence et leurs plus beaux habits, avec leur livre ou leur jouet préféré, encerclés par les soldats SS qui les emmènent vers le camp de la mort de Treblinka. 

Janusz Korczak (1878 ou 1879 - 1942), éducateur juif polonais, pédiatre, auteur d’ouvrage sur les enfants, figure de renommée mondiale de la pédagogie de l’enfance, a refusé le chantage des SS : la vie sauve contre l’abandon de ses pupilles. 

Il avait, auparavant, également refusé l’offre de refuge de Zegota (nom de code de la Commission d'Aide aux Juifs, organisation de la résistance polonaise) pour ne pas abandonner « ses enfants ». 

Source : FARBAND, Union des Sociétés Juives de France, https://www.farband.org

La 2ème date est celle du 15 août 2021

Cette date est celle de la (re)prise de pouvoir des talibans en Afghanistan.

Depuis, ils continuent de violer les droits humains, à l'éducation, au travail et aux libertés d'expression, de rassemblement et d'association, avec un système accéléré de ségrégation, de marginalisation, de persécution, de discrimination, d'exclusion et d'assujettissement des femmes et des filles. 

Deux ans d'apartheid de genre qui constituent un crime contre l'humanité.

Continuons de nous mobiliser pour les femmes afghanes, d’une façon ou d’une autre, continuons à faire entendre nos voix, et à évoquer la mémoire de ce pays martyr.

Accueillons les femmes Afghanes en France.

LE FEUILLETON de l’été : Fragments d’INDE,  Abécédaire

Le drapeau indienLe drapeau indien

2ème épisode : M à Z

M comme Merci … À celles et ceux qui ont fondé et font vivre une association locale de Goa : El Shaddai Street Child Rescue, www.childrescue.net. Parmi les actions conduites, le Children’s Hospice Project est peut-être le plus émouvant. Le nombre d’enfants des rues gravement malades est en progression. Or, pour  accompagner ces enfants trop jeunes pour un si lourd destin, il faut des soins compétents ET porteurs d’amour et de joie. Le Children’s Hospice Project veut donner à ces enfants un lieu de vie douce.

N comme Nehru, Jawaharlal Nehru, Premier Ministre de 1947 à 1964. Si je vous en parle, ce n’est pas seulement pour son rôle dans la construction de l’Inde contemporaine… Pas seulement parce qu’Indira - Premier Ministre assassinée en 1984 - est sa fille… Pas seulement parce qu’il est le grand-père de Rajit, fils d’Indira, Premier Ministre lui-même, et comme elle, assassiné en 1991… Pas seulement parce qu’il aimait Lady Edwina Mountbatten, épouse de Lord Mountbatten, l’ultime Vice Roi de l’Inde… Pas seulement parce qu’il décida d’envahir Goa, en décembre 1961, pour en chasser les Portugais… Non, si je vous en parle, c’est parce qu’il est né un 14 novembre, comme un très proche de moi. Mais, discrétion oblige, je ne dirai pas qui.

O comme Oman : Bombay fait face à la mer d’Oman. À l'origine, la ville était d’ailleurs constituée de 7 îles, conquises par les Portugais en 1534. Ils s’empressent de nommer la zone Bom Bahia, c'est-à-dire la bonne baie. D’où… Bombay. Longtemps après l’arrivée des Anglais - en 1661 -, les îles fusionnent - en 1817 -. En 1853, la première liaison ferroviaire de l'Inde relie la ville à d’autres villes. L'ouverture du canal de Suez - en 1869 -  en fait l'un des plus importants ports de l'Asie. Il faudra attendre 1995 pour qu’elle retrouve son nom antique : Mumbai, de Mumba, la déesse, et Aai, la mère en marathi, la langue du lieu.

P comme Pratibha Patil : 12ème présidentE de l’Inde de 2007 à 2012. Il est vrai que la fonction est symbolique. C’est également une femme, Sheila Dishit (1938 – 2019), qui fut ministre en chef de Delhi de fin 1998 à fin 2013. Et une femme encore, Sonia la Turinoise, veuve de Rajiv Gandhi, qui présida le Parti du Congrès de 1997 à 2004. Les femmes votent depuis 1950. Il n’empêche : on dénombre encore quelques millions de femmes « manquantes ». Ce fut une des révélations du recensement de 2001 : l’ampleur de la discrimination à l’encontre des petites filles dans le Nord-Ouest (comme au Punjab). Les données provisoires du recensement de 2011 font apparaître une amélioration de la situation (Le recensement prévu pour 2021 a été repoussé du fait de la COVID). Au Punjab, où la masculinité dépassait 125 garçons pour 100 filles en 2001 chez les 0-6 ans, il semble qu’elle ne soit « plus que » de 118 en 2011. Mais  le déséquilibre des sexes reste marqué. Merci l’amniocentèse, qui permet de pratiquer la « sélection prénatale » ! C’est moins cruel que le meurtre de bébés filles, non ? Mais tous n’ayant pas les moyens de recourir à l’amniocentèse, les meurtres de bébés filles ne sont pas près de disparaître…

Q comme Quo vadis ?  Un zeste de latinité dans cet univers asiatique… Quo vadis ? Où retrouver nos racines méditerranéennes ? Mais à Goa, la mémoire portugaise du sous continent !

 R comme Roupies : Vous vous y attendiez ? Gagné ! La roupie indienne est la monnaie officielle de l'Inde depuis 1947. Tout le monde le sait. Elle se divise en 100 « paisas », tout le monde ne le sait pas. Un paisa, cela ne fait pas beaucoup. Quant au salaire minimum, il plafonne à 150 roupies par jour, soit, selon le moment, environ 2 €. Ce n’est pas beaucoup non plus.

À suivre… 

L’ÂGE D’AGIR

J’ai évoqué dans l’abécédaire l’association, née en 1997, El Shaddai Street Child Rescue, dont la raison d’être est de donner aux enfants une raison de sourire. Elle se consacre à cette mission depuis 25 ans. On peut contribuer à ses actions par des dons ponctuels ou réguliers, ou même recevoir de ses nouvelles pour faire connaître ses projets : www.childrescue.net

Mémoires Vives

Par Sylvie Lainé

Auteure d’ouvrages de management et essais personnels, conférencière. Curieuse de tout, de rien, de ce qui passe, des informations venues du monde qui change, des paysages, des gens.

Parcours professionnel : stratégie, communication institutionnelle, management, conduite de changement, ingénierie et animation de formation comportementale, coaching de dirigeants et équipes de direction, évolution culturelle des organisations, négociation et communication interculturelle.

Langues d'intervention : français, anglais, italien

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