L’ENFANT DIEU

Un numéro 27 SPECIAL Noël : une réflexion sur l'enfance, le récit d'un parcours d'engagement, celui de l'écrivain Olivier Norek, un billet de méfiance face à la sur-consommation de cadeaux en période de fêtes, ET des histoires presque anciennes qui rappellent que le Wokisme de Noël ne date pas d'aujourd'hui. Sourions ENSEMBLE.

Mémoires Vives
15 min ⋅ 06/12/2025

SOMMAIRE DU N°27 : L’ENFANT DIEU

EDITO : L’ENFANT DIEU

MEMOIRES VIVES : PARCOURS D’ENGAGEMENT, ENTRETIEN AVEC OLIVIER NOREK

LE 17 AVRIL 1975, PHNOM-PENH, FREDERIC BENOLIEL, LE RETOUR

TROP DE CADEAUX POUR L’ENFANT-DIEU ?

ARCHEO NOËLS WOKE : LES DEBUTS

BONNE LECTURE !

EDITO : L’ENFANT DIEU

Il était une fois, il y a (environ) 2000 ans et quelques, dans l’étable d’une région où l’on se massacre depuis (environ) 6000 ans et quelques, naissait un enfant, un garçon, un Dieu. Un ENFANT-DIEU. Il venait au monde pour porter, dans notre tradition, un message d’amour et de paix. Ce n’était pas gagné. Et ça ne l’est toujours pas. Ce que symbolisait cet enfant, c’était le rappel ou l’annonce d’une loi sacrée, humaine sinon divine. Un enfant est une promesse d’avenir, il est fait pour grandir afin d’élever à son tour d’autres enfants, il se nourrit de l’amour de ses proches (et, par jour, de cinq fruits ou légumes, ainsi que des protéines, des produits lactés et des acides gras mono insaturés). En somme, un enfant exige tendresse, soins, affection, patience, écoute, exigence, lucidité, vigilance et j’en passe. Que donne-t-il en contrepartie ? Comment ? Une contrepartie ? Mais un parent n’attend rien de ses enfants. Enfin, en principe. Par ailleurs, un enfant ne doit pas être tué sauvagement (ni même doucement), il ne doit pas être réduit au statut d’otage, ni être traité en esclave, affamé, maltraité ou contraint à des activités criminelles ou des travaux dépassant ses capacités physiques. En ce sens, tout enfant est un ENFANT-DIEU, c’est, à mon avis, ce que signifie cette ancienne histoire de vache, de veau, de rois mages, de toit de chaume et de pauvreté sublimée par l’adoration de la nativité.

Cela dit, tous les enfants du monde ne sont pas des enfants-dieu, parce que là où ils sont nés, il fait trop chaud, il y a trop d’inondations, leurs parents sont malades ou morts, ils ne sont pas élevés dans la “bonne” religion, la guerre a réduit leur village en cendres et leurs jeux en terreur. Prenons le cas du Soudan (certes, il en est bien d’autres, mais on ne peut pas tous les évoquer dans un seul numéro). Le Soudan du Sud reste l’un des Etats les plus fragiles au monde. La frontière entre les deux Soudan est un corridor de déplacements cycliques, façonné par des décennies de guerre, de famine et d’instabilité politique. Depuis 2023, l’ampleur des massacres et violences liée à une guerre civile dévastatrice - agressions, viols systématiques, assassinats, tortures - y est telle qu’on peine à les comptabiliser. Bon nombre de ces violences sont commis sur des enfants d’à peine 12 ans ou moins. En 2024, plus de 2 millions d’enfants soudanais étaient menacés de malnutrition. Dans cette partie du monde, les enfants, même s’ils naissent parfois dans ce qui ressemble à des étables, connaissent ensuite de bien tristes et courtes vies.

Revenons vite dans notre (douce) France, où l’on se préoccupe de créer un ‘Code de l’Enfance’. Le 30 septembre 2025, une proposition de loi en ce sens a été déposée à l’Assemblée nationale, proposition réclamée de longue date par tous les acteurs de la protection de l’enfance. En pleine crise des politiques publiques de ce secteur, l’objectif est d’améliorer la lisibilité du droit mais aussi de reconnaître politiquement l’enfant comme sujet de droits. La proposition figure en tête des recommandations du rapport de la Commission d’enquête parlementaire sur les errements des politiques publiques de protection de l’enfance : le manque chronique d’implication de l’Etat, « premier parent défaillant de France » met en danger les près de 400 000 enfants confiés à la République au titre de l’aide sociale à l’enfance (ASE). Dans son article unique, la proposition de loi demande au gouvernement de remettre, dans un délai d’un an suivant sa promulgation, un rapport visant à créer ce code. Lequel s’appuiera sur deux piliers : le droit des mineurs victimes, et l’ouverture d’un champ de droits en lien avec les menaces numériques (dont le cyber harcèlement). Patience ! Qui sait, peut-être les enfants confiés à l’ASE, dits “enfants placés” seront mieux traités ?

Pour protéger les enfants, d’autres solutions existent, par exemple, paradoxalement … Ne plus en faire. D’ailleurs, la dénatalité nous guette, nous les Européens (dont les Français), mais aussi les Coréens du Sud et d’autres. Amorcé il y a une dizaine d’années, le phénomène s’est accentué depuis 2023. C’est l’INED qui le dit (publication parue en été 2025 dans ‘Population et sociétés’ : en France, la proportion de jeunes qui déclarent ne pas vouloir d’enfants a plus que doublé et atteint 20%. Entre juin 2024 et mai 2025, le nombre des décès a dépassé celui des naissances (INSEE). Quant à la part des jeunes qui en veulent trois, elle est en net recul. Aujourd’hui, l’indice de fécondité plafonne à 1,5 enfant par femme. Cela ne va pas améliorer les relations des malheureux “boumeurs” approchant de la coûteuse dépendance (pauvres de nous) avec les jeunes fringants de moins en moins nombreux. Continuons avec une question : combien de temps mettrait l’humanité à disparaître si l’on arrêtait de se reproduire ? Très peu d’humains vivent plus d’un siècle…  Ainsi, si plus personne n’avait d’enfants, il ne resterait probablement plus d’humains sur Terre dans 100 ans. Mais avant cela, la population commencerait à diminuer, à mesure que les personnes âgées mourraient sans qu’aucune nouvelle naissance ne vienne les remplacer. Le déclin serait progressif : peu à peu, il n’y aurait plus assez de jeunes pour assurer les tâches essentielles - produire, nourrir, soigner -. Cela provoquerait un effondrement rapide des sociétés.

Reste une autre piste, qui consisterait à lutter contre la dénatalité en confiant la ‘confection’ des enfants à des machines (on n’arrête pas le progrès). Aldous Huxley l’avait imaginé dans son “Meilleur des mondes”. L’humanité est peut-être en voie de le réaliser, avec ‘l’ectogenèse’. À ce jour, de nombreux pays ont défini une limite de quatorze jours à ne pas dépasser pour le développement embryonnaire d’humains in vitro à des fins de recherche ou pour la fécondation, soit sous la forme de recommandations, soit par une loi (en France). Si nous laissions ces “avancées” scientifiques se concrétiser, aboutirions-nous à une fabrication industrielle des bébés, à la carte et sur mesure, incluant un contrôle de qualité ? Eugénisme privé mais aussi tentation d’un eugénisme d’état… Pourrions-nous encore parler « d’enfant humain » ? Faudrait-il employer le terme “d’enfant machine” … Voire d’ENFANT-DIEU ? Sylvie Lainé

Sources : https://jss.fr/post/la-creation-dun-code-de-lenfance-doit-etre-loccasion-douvrir-un-nouveau-champ-de-droits (JSS Journal Spécial des Sociétés 2.11.2025) // Lettre TheConversationFrance : https://theconversation.com/terreur-viols-meurtres-le-quotidien-epouvantable-des-femmes-qui-migrent-du-soudan-vers-le-soudan-du-sud // https://theconversation.com/combien-de-temps-lhumanite-survivrait-elle-si-lon-arretait-de-faire-des-enfants // https://theconversation.com/la-quete-de-luterus-artificiel-entre-fiction-et-avancees-de-la-recherche

MEMOIRES VIVES : UN PARCOURS D’ENGAGEMENT

ENTRETIEN AVEC L’ECRIVAIN OLIVIER NOREK

Olivier NOREK est un écrivain et scénariste français. Il est jeune, enfin pas encore vieux, mais pas non plus tout jeune. La preuve ? Ce Toulousain a eu une première vie, de policier, un métier qui mérite d’être mieux connu et mieux compris. Son premier roman ‘Code 93’ (2013) est un polar réaliste qui évoque le quotidien des policiers en Seine-Saint-Denis. ‘Territoires’ (2014) en est la suite. Son 3ème livre, ‘Surtensions’ (2016), obtient le prix du polar européen du Point et le Grand Prix des lectrices de Elle. En 2017, avec ‘Entre deux mondes’, il aborde le parcours des migrants et remporte l'Étoile du Parisien du meilleur polar. ‘Surface’ (2019) a reçu le Prix Maison de la Presse, le Prix des lecteurs BABELIO Polar, le Prix Relay des voyageurs-lecteurs et le Prix de l'Embouchure. En 2022, ‘Dans les brumes de Capelans’ est lauréat du Prix Babelio Polar et thriller. Avec ‘Les Guerriers de l’hiver’, il reçoit le Prix Renaudot des lycéens, le Prix Jean Giono et le Prix littéraire de la Société des membres de la Légion d’Honneur de Loire-Atlantique, pour sa 1ère édition 2024 – 2025. Dans tous ses ouvrages, il parle d’engagement. C’est, pour lui, une façon d'être au monde, SA façon d’être au monde. Je l’ai rencontré le 13 juin de cette année, à Nantes, nous avons échangé, je lui ai posé des questions, il y a répondu. Je vous propose des extraits de cet entretien.

Gardien de la paix à Aubervilliers, il rejoint la PJ au service financier, puis au groupe de nuit chargé des braquages, homicides et agressions. Promu lieutenant, il choisit la PJ de Bobigny, à la section enquêtes et recherches (agressions sexuelles, enlèvement avec demande de rançon). Auparavant, bénévole chez Pharmaciens sans frontières durant trois ans*, comment s’étonner qu’Olivier Norek soit un homme engagé ?

* Il y participe à la réhabilitation d'un hôpital en Guyane, et à l'approvisionnement en matériel médical des hôpitaux et camps de réfugiés des territoires en guerre de l'ex-Yougoslavie.

Q : Vous dîtes : ‘toute ma vie, je me suis engagé’. Pourquoi ?

R : Il y a plusieurs raisons pour s’engager, certaines plus glorieuses que d’autres. Ma motivation n’est pas vraiment prestigieuse. En fait, j’ai toujours cherché ma place dans la société. Par chance, j’ai vite compris que c’est l’Autre qui peut nous donner cette place, mais seulement si on l’intègre dans sa vision du monde. Si j’aide l’Autre, il va ‘m’apercevoir’. Simplement parce que je l’ai aidé, il m’attribue cette place à laquelle j’aspire dans la société : je suis celui qui aide, qui est UTILE. Ce n’est pas à moi de me l’attribuer, cette place. C’est l’Autre qui va me l’accorder. Ainsi ai-je toujours choisi des positions d’aide : humanitaire, policier. Aujourd’hui, écrivain, je m’oriente vers des sujets qui amènent à être plus conscient, plus éveillé, plus sensible aux attentes des autres. Cette recherche d’engagement, c’est en somme une recherche de me compléter moi. (…) C’est parce que je me suis cherché moi que j’ai compris que je ne parviendrai à me trouver qu’en m’engageant envers les autres. L’engagement c’est, à mon sens, d’abord une recherche de soi-même.

Q : Pourquoi un policier devient-il écrivain ?

R : Que fait un policier sinon raconter des histoires de policier ? Je voulais raconter la vérité de notre quotidien. Qui est mieux placé qu’un policier pour ce faire ? Au début de mon parcours d’écrivain, me rappelant mon 5/20 au bac de français, je me suis posé la question : quelle est ma légitimité ? Je ne suis pas un auteur ! Mais, à force de lire des romans policiers, de regarder des films et des séries policières, où les flics, à 10 h du matin, vont boire un verre de whisky, dans l’après-midi, sniffent un rail de coke, s’opposent en permanence et parfois violemment à leur hiérarchie, et dont, pour parfaire le tableau, les petites copines sont des ex prostituées, comment ne pas croire que ce parfait portrait robot du mauvais flic soit adapté à tous les autres ! Or, les policiers, ce n’est pas ça ! Si j’écris un livre mettant en scène des policiers qui sont exactement comme moi, comme ceux que je connais, peut être que je serai utile au public, ET à mes collègues ? Rassurez-vous, je ne fais pas dans l’angélisme. Dans la police, on a des salauds on a des fachos, on a des crétins, des abrutis, comme dans tous les métiers. Mais 80%, voire 90% sont de « bons flics » qui aiment leur métier. Je décris ce qu’est vraiment un policier. Ainsi ai-je été, je pense, utile. Parce que l’engagement d’être utile aux autres, c’est le maître mot de tout ce que je fais. Ecrire ce roman policier rendait justice et hommage aux vrais policiers, des gens avec la tête sur les épaules. C’est le monde autour d’eux qui tourne mal. Les policiers, ce sont des hommes et des femmes tout à fait ordinaires, dont le métier est extraordinaire, dans la mesure où leur quotidien est fait de ce que l’homme recèle de pire en lui. Ce sont des gens dont l’ADN se résume à ceci : aujourd’hui, qu’est-ce que je peux faire pour l’autre ? Pour la plupart des gens, les policiers, c’est la répression, la sanction. Eh bien, les policiers, sachez que c’est de la répression ET de la prévention, à 50/50. La répression, c’est quoi ? C’est l’équivalent de la violence. On est bien d’accord : la violence, c’est en dernier recours, c’est quand il n’y a plus aucune autre réaction possible. Et la prévention, c’est tout ce qui va être utile pour faire en sorte que le délit, le crime NE SOIT PAS commis. Le plus important dans la mission du policier, c’est de prévenir la violence. La répression intervient lorsqu’on a raté cette étape.

Q : Ne croyez-vous pas que la plupart des policiers choisissent ce métier pour avoir un emploi et pas seulement pour les nobles raisons que vous évoquez ?

R : Mais c’est la même chose pour tous les métiers ! C’est la même chose pour les enseignants, par exemple. Et c’est une catastrophe. Parce que si enseigner n’est pas une vocation, si on ne l’exerce pas parce qu’on est mu par le désir de la transmission du savoir et de l’héritage, alors on sera un bien triste professeur. Si vos enfants tombent sur un professeur de ce type, et qu’il enseigne, mettons, l’histoire, c’est certain que votre gamin sera nul en histoire. Pour la police c’est la même chose. Un policier qui s’attend à des journées plutôt calmes, qui s’attend à ’faire ses heures’ tranquillement, ça ne fonctionnera pas. Surtout dans la police judciaire, c’est-à-dire comme enquêteur. Dans mon souvenir, lorsque j’avais affaire à des agresseurs sexuels réitérants, j’étais concentré H24 ! Tant qu’on ne lui avait pas passé les menottes, pour le présenter à un magistrat, on n’arrivait ni à dormir, ni à manger correctement. On se disait ‘et si pendant que je me repose 3 ou 4 heures, il recommence ?’. Bref, c’est un métier d’engagement, qu’il convient de pratiquer avec passion. Il faut en comprendre le sens : l’intérêt général. Aujourd’hui, ce qui manque, c’est le Sens. Si l’on m’ensegne le théorème de Thales il faut me dire POURQUOI il faut apprendre ce théorème. (…) Si on n’explique pas aux gamins les raisons pour lesquelles ils font ce qu’on leur demande de faire, comment voulez-vous qu’ils soient intéressés ? La recherche de sens, doit s’intégrer dans l’enseignement.

Q : En somme pourquoi je me lève le matin…

R : (…) Parfois, il faut toute une vie pour pour trouver le sens de son propre chemin. Certains, à 20 ans, savent déjà ce qu’ils veulent faire de leur vie. Quitte à changer de voie après quelques années. Si je sais exactement où je veux aller, je prends une autoroute. Sinon, j’emprunte des chemins de traverse pour me découvrir peu à peu. Toutes les motivations sont bonnes, les parcours de vie sont tous différents et ils sont tous estimables. L’essentiel est de s’affranchir des protocoles. Parce que le protocole, c’est l’exclusion : ‘il faut faire comme ça et pas autrement.’ Mais si je suis différent, si la mélodie qui me berce est différente, si mon rythme est différent ? Dans ce cas, je vais avoir besoin d’emprunter des chemins de campagne, beaucoup de chemins de campagne avant, éventuellement, de rejoindre une autoroute.

Q : Vous privilégiez le Sens au détriment de l’Ordre…

R : Je pense que le travail de toute une vie, c’est de réussir à lier les deux. C’est d’être sur une voie rectiligne, tout en intégrant les différences, les minorités, en accueillant tous les courants de pensée sans pour autant quitter l’autoroute. Cette autoroute, c’est la République, la laïcité. C’est la générosité, l’ouverture au monde, l’engagement. Mais notre richesse humaine est faite aussi de toutes ces bribes de diversité qui cheminent sur d’autres routes plus sinueuses. Nous avons tous besoin de ces deux directions, ma base, l’ordre, la loi, le règlement. Une direction claire. (…) Si vous ne connaissez rien d’autre que ce socle fait de droit et de règles, vous avancez dans la vie en portant des visières comme un animal de trait. Et si vous ne parcourez que des chemins de traverse, vous devenez un feu follet, une personne un peu compliquée, voire carrément déglinguée, qui ne sait pas trop où elle va. Mais, si vous réussissez à relier les deux, c’est magique. C’est ce qui m’est arrivé. Mon éducation très sérieuse sans être rigoriste m’a permis de grandir droit en sachant identifier le bien, le mal, ce que l’on peut faire, ce qu’il ne faut pas faire. (…) J’ai exploré toutes les zones d’ombre à l’intérieur de moi, tous les combats, toutes les blessures pour en faire des livres. (…) Dans chacun de mes livres, il y a une part de moi. De ma chair, de ma peau, de mon sang, de ma sueur. Dans chacun de mes livres, on trouve un écho de mes combats, de ma colère, de mes énervements, de ma volonté de justice. Je n’écris pas sans engagement. Sinon, quoi ? Parler de moi, de moi et de moi ? Me persuader que mes petites amours d’été vont passionner tout le monde. Erreur. Tout le monde s’en fout. Mais le public n’a peut-être pas non plus envie de dédier ses lectures aux guerres, aux réfugiés, à l’Ukraine, à l’écologie. Je vais donc proposer un maximum d’effets spéciaux, de rebondissements, ce que j’appelle mes ‘escroqueries’. Je passe par le filtre du polar et du divertissement pour raconter quelque chose de beaucoup plus fort. (…) Ainsi suis-je passé des romans policiers à d’autres sujets. Par exemple, me souvenant de mon grand-père, réfugié polonais, qui avait réussi non seulement à s’installer en France, mais aussi à faire en sorte que l’un de ses enfants soit professeur au MIT, et l’autre énarque. Or, dans la zone de Calais, se trouve un camp de réfugiés. Je prends mon sac à dos et je m’y installe plusieurs semaines pour comprendre qui sont aujourd’hui les réfugiés, ce qu’il serait arrivé à mon grand-père s’il était arrivé en France à l’époque actuelle. (…) La seule question importante, c’est : pourquoi tu te lèves le matin ? Qu’est-ce que tu fais pour les autres ? S’il vous plaît, ne regardez pas ce que je suis, mais QUI je suis, à l’intérieur ! (…) Mon dernier livre - Les Guerriers de l’hiver - parle d’honneur, de courage, de fraternité, il parle de ce qui nous manque de plus en plus au fur et à mesure du temps qui passe. Il parle d’un pays ogre, d’un pays continent qui attaque une toute petite nation qui va résister. Cela s’est passé il y a un siècle en Finlande. Cela se passe encore aujourd’hui. En Ukraine. C’est ce qui risque de se passer demain, à nouveau dans les pays baltes. C’est une histoire d’hier qui peut nous donner des pistes de compréhension de nos soubresauts d’aujourd’hui. Comment être plus utile qu’en écrivant ce livre-là ?

OFFREZ-VOUS ou OFFREZ ‘Les Guerriers de l’hiver’… Le livre relate une partie de l’histoire de la Finlande assez peu connue : l’affrontement en 1939 entre la Finlande, petit pays, et un géant l’Union Soviétique, au début de la Seconde Guerre Mondiale. Il raconte le courage, la détermination, la résistance des Finlandais. Un peuple tout entier se dresse contre l’ennemi : il s’ENGAGE. Livre historique, il est aussi un roman, dans un décor hostile, le grand nord, aux températures inhumaines, blanc le jour, blanc la nuit, avec pour seule autre couleur : le feu des armes et le sang.

Merci Olivier ! Propos recueillis par Sylvie Lainé

1975, PHNOM-PENH, Frédéric BENOLIEL, LE RETOUR

Vous avez lu son histoire d’amour avec le Cambodge dans la rubrique ‘Mémoires Vives’ du n°26. Frédéric BENOLIEL est de retour dans ce n°27, encore plus présent : on le voit et on l’entend raconter les jours sombres qui ont suivi le 17 avril 1975 à Phnom-Penh, lors de l’entrée dans la ville des Khmers rouges. Mémoires Vives inaugure ainsi des podcasts de mémoires. Suivez le lien sur You Tube : https://www.youtube.com/watch?v=wAErzB80UQE

TROP DE CADEAUX POUR L’ENFANT DIEU ?

Attention, les fêtes arrivent ! Il va falloir offrir et se réjouir de recevoir. Il va falloir dépenser, c’est la fête de l’argent, plus que celle de la spiritualité. Est-ce ainsi qu’on célébrera la famille ? La fête est plus belle lorsqu’elle est simplement joyeuse, simplement chaleureuse. La fête nourrit les liens et renforce l’affection, et, jusqu’à preuve du contraire, les chèques ne savent ni aimer, ni câliner. Or, le risque est de perdre de plus en plus le caractère sacré de la fête, Dieu n’est plus un enfant, il devient un chiffre orné de paillettes. C’est ce que nous rappelle Perrine Sailly : posséder ne suffit pas pour vivre heureux.

L’enfant Dieu est un Roi face à ses Cadeaux de Noël… Vision d’horreur, magie de noël, légère subtilité. C’est mercredi, le facteur est passé, il a déposé les catalogues de jouets de Noël…Triste société de consommation, elle instaure des traditions modernes. Chaque année et par milliers, ces enfants triturent, déchirent, collent, décrivent sur leur lettre au Père noël des jouets aussi futiles qu’éphémères. Certains insèrent même en ligne la liste de leurs envies, histoire d’anticiper les retards de la poste. Satisfaits de leur listing à rallonge, ils vont maintenant patienter longtemps avant l’arrivée du divin enfant…et oui, la société de consommation a cette facilité d’amener les traditions hors-du-temps, c’est-à-dire qu’on démarre la magie de Noël à la Toussaint et on pense à Pâques à la chandeleur.

Rayons blindés de bûches de Noël et de galettes des rois, il est certain que la valeur ajoutée de cette fête laisse à désirer. Fêter Noël en conscience semble aujourd’hui nécessaire. Impact environnemental, gratitude et authenticité permettront le retour de la valeur-Noël. Noël a une saveur universelle, Noël parcourt la terre et s’intègre dans tous les modèles sociaux et culturels de notre monde.

Aujourd’hui, chacun aspire secrètement à un noël authentique et privilégié. Celui d’un temps qui viendrait souder ces familles éclatées, fragilisées et parfois distancées. Noël a cette capacité de donner la lumière. Mais les isolés, les démunis, les malades, ceux qui ne fêteront pas Noël, resteront dans l’obscurité de leur misère matérielle ou affective, ou les deux. Quant aux cadeaux, n’auraient-ils pas une valeur mémorielle ? Du train électrique, à la fameuse poupée élancée, chic aux cheveux dorés, les cadeaux nous lient à une époque donnée mais aussi à une histoire collective.

Ces listes de nos envies nous lancent en pleine figure l’image d’une société attachée au matériel. Nos liens familiaux et nos rapports aux cadeaux ont aussi ce malheureux constat d’un maintien des liens de plus en plus fragiles. Préservons la mémoire de ce lien à Noël, à ce pourquoi nous le fêtons, en permettant ainsi au Sens de triompher ! Perrine Sailly

ARCHÉO NOËLS WOKE : LES DEBUTS

L’année dernière (donc fin 2024), une fidèle abonnée de cette lettre nous a fait parvenir en guise de voeux, la photo d’une crèche, censée être plus inclusive et laïque que les crèches dites ‘traditionnelles’. En quoi est-elle inclusive cette crèche new look, pardon new woke ? Déjà, aucun animal n’y est représenté afin d’éviter les sujets de maltraitance. Marie aussi est absente : l’image de la femme ne peut pas être exploitée, ce qui déplairait aux féministes. Joseph, le menuisier, n'est pas là non plus : son syndicat ne l'autorise pas à travailler un jour férié. Quant à l'enfant Jésus, il réfléchit : veut-il être un garçon, une fille ou autre chose ? N’évoquons pas les rois d’Orient, ils pourraient être des migrants illégaux. Il n’y a pas non plus d’anges, pour ne pas brusquer les athées, les musulmans et les autres religions qui ne reconnaissent pas leur existence. Enfin, la paille a été retirée en raison du risque d'incendie et de non conformité aux normes européennes NF X 08-070. La cabane en revanche, fabriquée en bois recyclé à partir de forêts plantées selon une norme environnementale reconnue est autorisée et donc présente sur la photo.

Cette crèche est-elle suffisamment correcte ? Vous en jugerez : sa photo illustre l’en-tête de ce numéro. Merci à Ewa, lectrice assidue du Perche, et toutes mes excuses à l’auteur initial de cette aimable caricature (reparue largement cette année, notamment sur des posts Linkedin) : ne le connaissant pas, je ne peux le citer.

Mais les premiers clins d’oeil ‘Woke’ sont plus anciens. Ainsi avais-je reçu, en 2005 (!) l’histoire qui suit. Je ne résiste pas au plaisir de vous la proposer, pas seulement pour vous faire sourire en un contexte de grisaille. Eh, oui, je crains, si elle était racontée aujourd’hui, qu’elle ne subisse les assauts de la censure publique pour discrimination envers pratiquement tout le monde. Qu’en pensez-vous ?

Objet : Repas de Noël dans notre entreprise

De : Sophie CARRIERISTE - Direction des Ressources Humaines à : tous les salariés / Date : 01 / 12 / Sujet : Fête de Noël

Chers Tous, je suis heureuse de vous informer que la Fête de Noël de notre entreprise aura lieu le 23 Décembre, à partir de midi, dans les salons privés de notre Espace Détente. Il y aura un bar payant avec tout un choix de boissons ! Nous y accueillerons un petit groupe musical amateur qui chantera des cantiques, n'hésitez pas à chanter avec lui ! Et ne soyez pas surpris de voir arriver notre PDG déguisé en Père Noël !! Le sapin sera illuminé à partir de 13H00. Les échanges de cadeaux entre les membres du personnel pourront se faire à partir de ce moment-là. Cependant, pour ne gêner personne financièrement, aucun présent ne devra dépasser une valeur de 50 Euros. Joyeux Noël à vous tous et à vos familles ! Cordialement, Sophie

De : Sophie CARRIERISTE - DRH - à : tous les salariés / Date : 02 / 12 / Sujet : Fête de Fin d’année

Chers Tous, La note d'hier n'avait bien sûr pas pour but d'exclure nos employés de confession juive. Nous savons qu’Hanouka est une fête importante qui coïncide parfois avec Noël, même si cela n'est pas le cas cette année. La même optique s'applique à tous ceux de nos employés qui ne sont ni chrétiens ni juifs. Pour calmer les esprits et ne vexer personne, toutes nos Fêtes de Noël s'appelleront désormais Fêtes de Fin d'Année. Nous n'aurons par conséquent ni sapin ni cantiques, mais d'autres musiques pour votre plus grand plaisir. Tous contents, maintenant ? Cordialement, Sophie

De : Sophie CARRIERISTE - DRH - à : tous les salariés / Date : 03 / 12 / Sujet : Fête de Fin d’année

Je m'adresse à la personne membre des Alcooliques Anonymes qui souhaitait qu'il y ait une table pour les non-buveurs et qui n'a pas donné son nom. Je suis heureuse de pouvoir répondre favorablement à sa demande, mais si je mets sur la table une pancarte « Réservé aux Alcooliques Anonymes », vous n'aurez plus du tout d'anonymat !! Comment puis-je résoudre le problème ? Une idée, quelqu'un ? De plus, sachez qu'on laisse tomber les échanges de cadeaux : Aucune remise de présents ne sera autorisée, suite aux préavis de grève déposé par la CGT et FO qui estiment que 50 Euros pour un cadeau c'est trop cher, et suite à la pétition signée par tous les cadres qui estiment que 50 Euros pour un cadeau c'est minable et mesquin. On va y arriver, Sophie.

De : Sophie CARRIERISTE - DRH - à : tous les salariés / Date : 04 / 12 / Sujet : Fin d’année

Quelle diversité de cultures dans notre entreprise !! Je ne savais pas qu'exceptionnellement cette année le Saint Mois du Ramadan commençait le 20 Décembre, avec son interdiction formelle de consommer toute boisson ou nourriture de toute la journée. Nous pouvons bien sûr comprendre qu'une réception festive à cette époque de l'année ne cadre pas avec les croyances et les pratiques de nos amis salariés musulmans. Devant la Fatwah prononcée à son encontre par l'Imam de notre ville à leur demande, notre PDG propose que les repas destinés à nos salariés musulmans soient congelés jusqu'à la fin du Ramadan ou gardés au chaud pour qu'ils puissent les emporter chez eux le soir. Notre PDG certifie en outre qu'ils ne contiendront pas de porc, même si l'entreprise dirigée par son frère s'appelle « Tout est bon dans le cochon ». Par ailleurs, je me suis arrangée pour que les femmes enceintes aient une table au plus proche des WC et les abonnés aux Weight Watchers le plus loin du buffet des desserts. Je confirme aussi que les gays et les lesbiennes pourront se regrouper et que chaque groupe aura sa table pour ne pas avoir à se mélanger. En revanche, non, aucun travestissement en Drag Queen ne sera toléré, avec ou sans play back de Dalida. Oui, les diabétiques auront des sièges surélevés et des fruits frais en dessert, sachant que les restaurant ne pourra confectionner de dessert sans sucre. Ai-je encore oublié quelque chose ? Sophie

De : Sophie CARRIERISTE - Martyr des Ressources Humaines - à : Vous tous salariés de M….E / Date : 10 / 12 / Sujet : SALOPERIE de fin d’année

Les végétariens, maintenant !! Il ne manquait plus que ça !!!! J'en ai plus que marre, nous maintenons cette réception dans notre entreprise, que cela vous plaise ou non. Vous n'aurez qu'à vous asseoir le plus loin possible du grill à viande pour brouter vos salades à la ‘c.n’ et téter vos p…s de tomates bio. Vous avez pensé à la douleur des salades et des tomates quand on les coupe ? Hein ?? Elles ont des sentiments et sont vivantes, elles aussi. Elles sont comme moi, elles HUUURLENT !! Maintenant le premier qui me demande du pinard sans alcool je le transforme en pompe à m…e et je vous souhaite une fête archi pourrie, bande d'abrutis congénitaux !!!! Allez vous faire f…..e, Sophie

De : Catherine TAPLACE - Directrice intérimaire des Ressources Humaines - à : tous les employés / Date : 14/ 12 / Sujet : Sophie CARRIERISTE et les Fêtes de Fin d'Année

Je pense pouvoir parler au nom de tout le monde pour souhaiter un prompt rétablissement à Sophie CARRIERISTE, à qui je continuerai de transmettre vos cartes. En attendant son retour, je la remplace et vous annonce que notre PDG a décidé d'annuler notre Fête de Fin d'Année et d'offrir à tous la journée du 23 décembre sans perte de salaire.

MORALE DE CES HISTOIRES : SOYEZ VOUS-MÊME ET VENEZ COMME VOUS ÊTES

Image : IA Freepik

Vous aimez les traditions ? Les sapins de Noël ? Les messes de minuit, avancées à 21h ? Le foie gras ? Les bûches glacées ? Les embrassades à l’arrivée des vieux parents ? Les disputes familiales à table sur vos choix politiques ? (enfin, cela, vous n’aimez pas vraiment, surtout lorsque les polémiques tournent au pugilat) Les yeux des enfants qui pétillent lorsqu’ils déballent leur Pokemon Pokopia sur Nintendo Switch 2 ? La moue de votre belle-mère lorsqu’elle s’aperçoit que le foulard que vous lui avez offert est en acrylique ?

BREF, VOUS AIMEZ NOËL ? ASSUMEZ ! C’est en aimant QUI vous êtes, et en respectant VOS coutumes que vous pourrez vous ouvrir à celles des autres. Allez, aimez-vous les uns les autres (avec leur consentement explicite s’il vous plaît), et l’ENFANT DIEU reconnaîtra les siens. SAUVEZ LA DATE : cette année, le réveillon de Noël tombe le 24 décembre, et le jour de Noël le 25 !

À bientôt ! Merci à Frédéric BENOLIEL, Ewa L, Olivier NOREK, et Perrine SAILLY, qui ont contribué à ce n°27, Spécial Noël, aux côtés de votre bien dévouée Sylvie Lainé.

Vos rubriques habituelles - Archéo feuilleton, Pub et Contre Pub, Le billet de Culture en folie - seront de retour le mois prochain.

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On se retrouve l’année prochaine en 2026, en janvier

avec un numéro 28 riche de SURPRISES !

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Mémoires Vives

Par Sylvie Lainé

Auteure d’ouvrages de management et essais personnels, conférencière. Curieuse de tout, de rien, de ce qui passe, des informations venues du monde qui change, des paysages, des gens.

Parcours professionnel : stratégie, communication institutionnelle, management, conduite de changement, ingénierie et animation de formation comportementale, coaching de dirigeants et équipes de direction, évolution culturelle des organisations, négociation et communication interculturelle.

Langues d'intervention : français, anglais, italien

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