Never Again. Plus jamais ça. C’est l’affirmation inscrite sur l’étoile jaune que Gilad Erdan, ambassadeur israélien à l'ONU, a accroché sur sa veste lors d’une réunion du Conseil de sécurité.
Never Again. Plus jamais ça. C’est l’affirmation inscrite sur l’étoile jaune que Gilad Erdan, ambassadeur israélien à l'ONU, a accroché sur sa veste lors d’une réunion du Conseil de sécurité. Un geste pour dénoncer le silence sur les atrocités du Hamas. Sa démarche a été violemment critiquée - y inclus en Israël - illustrant à nouveau le fameux principe : Malheur à celui par qui le scandale arrive. Ce geste, je l’ai trouvé fort, je l’ai trouvé courageux, choquant, provocateur. Je l’ai approuvé.
Ce qui grandit en France, en Europe, en Occident, c’est-à-dire la haine de l’autre, m’affole. Elle ne s’arrête jamais en chemin. Je ne sais comment y faire face. Je ne sais comment réagir. Suis-je le gardien de mon frère ? Je voudrais l’être, je dois l’être. Et pourtant, je ne fais rien d’autre que compatir, et témoigner de cette compassion auprès de mes amis et connaissances visés pour de très mauvaises raisons : non pas pour ce qu’ils font, mais pour ce qu’ils sont. Depuis quelques semaines, je comprends mieux l’émotion de ceux auxquels j’ai écrit mon indignation et ma solidarité après le 7 octobre. Ils ne s’attendaient pas à ce que, n’étant pas juive, je fasse preuve de compréhension à leur endroit. Reprenons-nous. Réagissons. Que faire de mon désarroi ?
Souvent, je regarde la mer, je regarde changer ses couleurs au long de la journée, je regarde les branches des pins que le vent violent agite. Il fut un temps, pas très lointain, où je voulais me suffire de ce spectacle pour oublier le monde, et mes tristesses personnelles, me réjouir simplement de respirer, de marcher, de lire, de vivre en somme. Il est sans doute venu le temps de me reposer, pensais-je alors. Mais la haine ne s’arrêtera jamais de tuer. Aussi veux-je continuer à la dénoncer, m’accrocher à mon humanité pour résister à l’indifférence. Je veux dire, et dire encore, et avec d’autres : « Nous sommes les frères et sœurs de ceux qu’on accuse depuis des millénaires d’être les éternels coupables. »
Aujourd’hui, j’ai en tête et dans le cœur cette alerte de Martin Niemöller, déporté à Dachau en 1937, le premier pasteur allemand à se prononcer publiquement, en 1933, contre les mesures antisémites des nazis. Vous vous souvenez ? « Quand ils sont venus chercher les socialistes, je n'ai rien dit, Parce que je n'étais pas socialiste. Alors ils sont venus chercher les syndicalistes, et je n'ai rien dit. Parce que je n'étais pas syndicaliste. Puis ils sont venus chercher les Juifs, et je n'ai rien dit. Parce que je n'étais pas juif. Enfin ils sont venus me chercher, et il ne restait plus personne pour me défendre*. » *Cette version est la traduction française de la citation affichée par le Musée du Mémorial de l'Holocauste des États-Unis à Washington. Elle substitue « Socialists » à « Communists ». Pourtant Martin Niemöller avait souvent précisé qu’il pensait avoir évoqué les communistes. Il est vrai qu’aucune transcription écrite de ce si fameux discours n’avait été faite au moment où il l’a prononcé.
1ère de couverture de l'ouvrage Natale a Parigi
Chers lecteurs italianophiles ET Parisiens, le jeudi 23 novembre à 19h à la Maison de l’Italie, Cité universitaire, 7 A Bd Jourdan, 75014 Paris, sera présenté le livre Natale a Parigi,. Vingt quatre auteurs ont contribué à cet ouvrage collectif, publié par un éditeur turinois, NEOS EDIZIONI. Chacun des contributeurs, au nombre desquels je compte, y propose un conte de Noël dont l’action se déroule à Paris. Les droits d’auteur seront intégralement versés à une organisation humanitaire. Vous êtes cordialement conviés.
C’est très valorisant de recevoir des réactions ! Un grand merci à ceux qui m’en envoient. Merci à cet abonné, lui-même auteur de billets réguliers aussi passionnants que pédagogiques sur les sujets les plus variés ! Il complète avec bonheur l’article Z comme Zéro de l’Abécédaire de l’Inde en répondant à ma question POURQUOI LE ZÉRO EST-IL SI IMPORTANT ? Voici ce qu’il écrit : « S'agissant de Marcus du Sautoy (excellent vulgarisateur) et du zéro, le principal intérêt de cette notion, conjuguée avec la notation décimale, est de nous permettre d'écrire simplement les nombres (pensez aux Romains qui "additionnent" des lettres) et de procéder aux opérations élémentaires (addition - multiplication) sans trop de difficultés. Avec la virgule (pour les "décimales"), le zéro nous permet aussi d'exprimer aisément la valeur des "fractions" ce qui était beaucoup plus difficile auparavant même si d'autres dispositifs existaient déjà dans l'Antiquité, comme les "fractions égyptiennes" dont on a retrouvé la trace dans les hiéroglyphes dès 1500 avant notre ère. »
C’est formidable : j’ai appris quelque chose, même si je ne suis pas très sûre d’avoir compris cette histoire de fractions facilitées.
Merci également à cet ami qui réagit, lui, au Dialogue de rentrée en me proposant la réflexion suivante : « Je suis allé voir la notion de norme (pour parler de normalité) et j'ai trouvé cette définition mathématique : Application définie d'un ℝ (ou ℂ)-espace vectoriel E dans ℝ*, généralement notée , qui vérifie les trois conditions – si x = 0 – pour tout x et y de E, (inégalité triangulaire) – pour tout scalaire λ et x de E. ». Ensuite, il ajoute plusieurs formules du type de celle-ci :
Et là, il précise : « Je trouve finalement que cela clarifie les choses et fait avancer le débat. »...
: À ce stade, il me pose la question suivante : « Qu'en penses tu ? ». Eh bien, je n’en pense pas grand chose car je n’ai RIEN compris. Même l’histoire des fractions, égyptiennes ou non, me paraît plus intelligible. Reste que je suis fière d’avoir de tels penseurs dans mon audience.
Cet ami termine ainsi son propos : « Je retiens - au sens étant interpellé - cette phrase : C’est pourquoi on nous incite à proposer aux élèves des activités « dégenrées ». Nous avons, d’une certaine façon, la charge d’enseigner aux citoyens de demain ce qui peut émerger comme de nouvelles normalités. Mais l'émergence de nouvelles normalités - ce qui suppose que d'anciennes ont disparu - ne relève-t-il pas de l'enseignement de l'histoire ? Au fait, j'aimerais des exemples pour comprendre ce que sont les activités "dégenrées". Merci en tout cas pour cette parenthèse intellectuelle du jour... ».
Pas de quoi, vraiment !
Auteur : Jean-Pierre de Nice
Drapeau de la république islamique d’Afghanistan de 2013 à août 2021. Aujourd’hui le seul reconnu par l’ONU
Dans ma dernière lettre, j’évoquais cette expression chère à certains de nos politiques : « La France ne peut pas accueillir toute la misère du monde. ». J’expliquais, pour ma part, être plus sensible à certaines misères qu’à d’autres. Par exemple, le cas de l’Afghanistan, et plus particulièrement le sort des femmes et filles afghanes me trouble. Parce que je suis une femme, mais aussi parce que j’ai connu l’Afghanistan en d’autres temps, pas tellement plus réjouissants, il est vrai. Je partage la qualification assumée par ONU Femmes : cette violence anti femmes s’apparente à un crime contre l’humanité. Je veux relayer les cris silencieux qui nous viennent de si loin. C’est pourquoi je vous propose un « archéo feuilleton » en 6 épisodes que je dois à l’un de mes chers abonnés, qui, lui aussi, a vécu, en Afghanistan.
“Les chroniques afghanes sont mes souvenirs afghans, mes « Nouvelles du front » puisés dans mes courriels à mes proches et amis. Appartiennent-ils à l’histoire ? 2006, est-ce si loin ? Hier ressemble-t-il à aujourd’hui ?Jugez-en…”
Chers Amis qui vous inquiétez de moi, Voilà une grosse semaine que je suis arrivé dans ce pays où j'avais déjà sévi en l'an 2000, au bon vieux temps des Taliban (je plaisante !!!).
Les choses ont beaucoup changé, du moins à Kaboul même, qui n'est pas l'Afghanistan, comme New-York n'est pas les Etats-Unis. Il y a des magasins, plutôt bien approvisionnés, des voitures (et même parfois des embouteillages !) et aussi depuis quelques jours des feux tricolores, que bien sûr personne ne respecte, de l'électricité (par moments en tout cas), des hôtels (dont un, somptueux, a été construit et récemment inauguré par l'Aga Khan), des restaurants (français, italiens, chinois, thaïs, coréens, mexicains, libanais, ... et même parfois afghans !). Les hommes dans la rue ne sont plus systèmatiquement barbus, beaucoup de femmes sont certes voilées, mais souvent élégamment, surtout les jeunes, et si on voit encore bien sûr des femmes en burka, elles se promènent seules (ce qui était impensable du temps des Taliban) et vont parfois, ô horreur ! jusqu'à relever le bas de leur burka pour éviter une flaque d'eau.
Mais ... car il y a un mais, et même un gros mais : la ville est « infestée » de militaires de tout poil (plus de 40.000 soldats sont basés dans le pays), les rues sont parsemées d'énormes blocs de béton en chicanes, tous les bâtiments sont protégés par des monceaux de sacs de sable, il y a des hommes en armes partout, et l'ambiance est plus à celle d'un pays en guerre, ce qui est d'ailleurs quasiment le cas, que d'une villégiature genre "club Med".
La situation est très tendue, et les incidents, de nature diverse, plus ou moins graves, sont quotidiens (180 la semaine dernière, semaine "calme"). La tendance est à la bicyclette piégée (on fait ce qu'on peut ... il n'y a pas assez de voitures), et même, tout récemment… L’âne piégé !
Le Ramadan s'est terminé dimanche soir, et les fêtes de l'Aïd El Fitr qui en marquent la fin dureront jusqu'à demain inclus. Après ... c'est l'inquiétude générale ... On sait que près de 100 commandos au moins de Taliban sont d'ores et déjà infiltrés dans la capitale et ses faubourgs immédiats. Pas plus tard qu'hier, le célèbre mollah borgne OMAR, qui n'a toujours pas digéré d'avoir perdu le pouvoir, a prévenu "les Croisés" que ça allait chauffer dur pour leurs fesses ! On s'attend donc au pire ... La population est de plus en plus exaspérée par la présence des troupes étrangères, d'autant que les Américains, selon leurs bonnes habitudes, ne font pas dans la dentelle, tirent sur tout ce qui bouge, et ne demandent les papiers qu’ensuite, c’est-à-dire souvent trop tard. Il y a de nombreuses victimes civiles, et souvent des femmes et des enfants (méfiance de la propagande destinée à faire pleurer dans les chaumières : les faits rapportés sont trop souvent incontrôlés et invérifiables.).
La population hésite entre deux sentiments. Ce sont certes les soldats étrangers qui l'a libérée du joug des Taliban, mais ces mêmes Taliban reviennent en force et menacent ceux qui ne les accueilleraient pas avec tous les honneurs dûs à leur rang de représailles terribles ... Ici, selon la tradition, les armes parlent vite. Le moral des troupes « alliées » est au plus bas. Les militaires ne comprennent pas à quoi on joue, et se demandent si leurs pertes en vies humaines (environ 200 pour le moment, dont 9 Français) sont utiles. Nos amis Américains ne savent plus très bien comment se dépétrer de ce guêpier, et aimeraient bien partir et qu'on s'occupe de tout ... La question est donc : faut-il partir avant eux ? Et ma réponse est : OUI ! Mais je ne suis pas sûr, une fois de plus, d'être entendu, même si je ne suis certainement pas le seul à penser ainsi. La très forte présence étrangère (soldats, mais aussi ONG et "profiteurs" de tout poil) a créé une économie complètement artificielle, avec une forte augmentation des prix bien sûr (produits courants, immobilier, services, salaires), que les revenus générés par la production et le trafic de drogue ne font qu'amplifier. Rien que pour cette année, l'Afghanistan produira plus de 6.000 tonnes d'opium, soit plus de 90% de la production mondiale ! Et comme les services spécialisés, pourtant cornaqués par la Drug Enforcement Administration américaine, ne saisissent qu'au mieux une petite quinzaine de tonnes par semaine, ça laisse de la marge aux heureux trafiquants. Du coup, le revenu moyen par habitant est passé de 135 $ à environ 340 $ par an. Ce trafic de drogue permet évidemment à toutes les factions (chefs de guerre, gouverneurs de province, ministres et autres VIP, sans parler des Taliban eux-mêmes) de s'alimenter à profusion en armes de toute nature, pour le plus grand bien des marchands d'armes, et nous ne sommes pas les derniers… Les Américains dépensent ici environ 2 milliards de dollars par semaine pour leurs farces et attrapes, et c'est bien parti pour durer ... Alors qu'avec ce budget, en quelques semaines, on reconstruirait tout l'Afghanistan ! Mais ceci est une autre histoire. Pour ma part, je survis pour le moment tranquillement. J'habite à l'ambassade de Turquie (ne me demandez pas pourquoi), et me déplace en voiture blindée. Je renoue quelques "contacts" et revois quelques amis. Bref : la routine.
Suite au prochain numéro. Amitiés à tous. Jean-Pierre
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Agir, c’est aussi s’informer. Ahmad Massoud est le fils d’Ahmad Chah Massoud, « le lion du Panchir », qui avait combattu les Soviétiques dans les années 1980, avant d’affronter les Taliban et d’être tué dans un attentat revendiqué par Al-Qaida, juste avant les attaques du 11 septembre 2001 aux États-Unis. Il avait 12 ans quand son père est mort, et, aujourd’hui, il a repris le flambeau. Il défend un « islam de la raison », favorable aux droits des femmes et à la pluralité culturelle, contre l’islam radical prôné par les organisations terroristes. Pour le soutenir, on peut lire son livre : « Notre liberté », Editions Bouquins-Document 352 p., 22 €. Dans sa chronique « Si loin, si proches » (La Croix l’Hebdo du 4.11) Jean-Christophe Ploquin, rédacteur en chef, éclaire son combat qui, idéologiquement, déborde les limites de l’Afghanistan et se joue dans de nombreux autres pays musulmans.
1ère de couverture de l'ouvrage "Notre liberté"