DIEU, LA GUERRE ET MOI
Crédit Photo / AL : Hiroshima, 2024, le pays du matin incertain
* UNE VIEILLE HISTOIRE : Comprendre avec GILLES KEPEL
* MEILLEURS VIEUX : Que ma joie demeure ! Plaidoyer de Sylvie
* ET SI DIEU ETAIT UNE MACHINE ? Pas de côté de Dominique
* MEILLEURS ANCÊTRES : Le chic qui déride avec Brigitte
* ARCHEO UNION EUROPEENNE : Fulvio dessine l’Europe
* L’ÂGE D’AGIR : Le cri des Afghanes
Pour évoquer la guerre, maladie originelle de l’humanité depuis Caïn et Abel, on a le choix du « théâtre des opérations ». Elle sévit à peu près partout dans le monde.
Penchons-nous sur une vieille histoire : les violences ensanglantant le Moyen Orient.
Il y a peu, le Professeur Gilles Kepel, géopolitologue arabisant reconnu, présentait son ouvrage ‘Holocaustes, Israël, Gaza et la guerre contre l’Occident’ dans le cadre des Rendez-Vous de La Baule. J’ai écouté avec bonheur son analyse des sursauts dans cette partie du monde et je choisis d’explorer ici l’un de ses développements expliquant, au moins pour partie, le dilemme politique, religieux et guerrier qui tend à contaminer la planète entière.
Rappelons-nous cet appel en 1ère page du Journal Le Monde, juste après le choc du 11 septembre 2001 aux Etats-Unis : « Nous sommes tous Américains ! ». Oui, nous l’étions tous, Américains, ce jour-là, dans le partage d’une compassion occidentale unanime. Certes, ce même Occident a exprimé son horreur et sa solidarité face au drame subi par Israël le 7 octobre 2023. Mais, au lendemain de ces sauvageries accumulées, dans ce « vieux continent » et même dans ce « vieux pays », le nôtre, certains déjà, faisaient entendre une parole discordante. Pourquoi nul ne s’est étonné, après 2001, de la force mise par les Etats-Unis au service de leur vengeance ? Pourquoi la réaction d’Israël est-elle moins acceptée ni même comprise ? L’hécatombe de civils à Gaza qui a succédé à celle du 7 octobre, à un début de shabbat, à la date d’une fête juive et, à un jour près, 50 ans après le début de la guerre du Kippour, a immédiatement été condamnée par presque toute l’opinion publique mondiale. Cette riposte déclenche un nombre toujours croissant de morts (quelle que soit la part effective d’enfants, de femmes et de malades qu’il compte et en tenant compte de l’incertitude sur la réalité des chiffres fournis par le Hamas). Pourquoi ? Parce que ce double massacre rend visible une nouvelle fragmentation du monde, une nouvelle vision inversant l’ordre des facteurs : le peuple génocidé est devenu le peuple génocidaire. L’agressé, le peuple des rescapés de la Shoah, victime d’un pogrom, est considéré comme l’agresseur. Ce retournement des valeurs bouleverse la relation spéciale entre les Etats-Unis et Israël en révèlant les contradictions de cette relation face à celle des Etats-Unis avec leurs alliés arabes au Moyen-Orient. La vision du monde, en place depuis 1945, issue des crimes nazis, intégrait la nécessité de la création d’un Etat pour la protection des Juifs. Manifestement, les pays européens, leur allié américain, et au-delà, à l’époque, les dirigeants soviétiques, n’avaient pas assuré cette protection et érigeaient donc cette création en ardente obligation. Pour cette partie du monde qu’il est coutume d’appeler aujourd’hui « Sud Global », cette vision n’est plus légitime, si tant est qu’elle le fut jamais. La 2ème guerre mondiale n’est plus qu’une vieille histoire à oublier. Les horreurs qu’elle évoque ont été depuis remplacées par d’autres horreurs, liées à la colonisation par les Occidentaux, et notamment les Européens, d’une « autre partie du monde » que la leur. Dans ce contexte, Israël est perçu comme le fer de lance de cette vision occidentale. De même l’Iran à travers le Hezbollah, le Hamas et les Houtis sont-ils le fer de lance de la « résistance » des peuples opprimés. Pourquoi ce titre : HOLOCAUSTES ? À l’origine, un holocauste est un acte sacrificiel : on sacrifiait à la puissance divine des animaux (et même des humains). Or, le drame du 7 octobre 2023 apparaît, pour ses assaillants, comme une forme d’holocauste punissant les mécréants. Et la riposte d’Israël contre Gaza est perçue comme un autre holocauste par ceux qui le subissent. Cette terrible guerre n’est pas seulement politique, même si les enjeux géopolitiques régionaux et mondiaux y sont colossaux, comme l’a montré Gilles Kepel dans son ouvrage et ses propos. Cette guerre est également religieuse : la religion y joue, pour certains, un rôle moteur au regard de la conquête islamique et, pour d’autres, un rôle électoral et existentiel . La pression des partis religieux sur le système électoral israélien n’est pas éloignée de celle de l’islam politique dans les pays musulmans. Les Israéliens avaient fait payer très cher aux Travaillistes au pouvoir pratiquement depuis 1948, la surprise de Kippour en octobre 1973. Depuis, la balance électorale a penché vers les droites religieuses, tentées par la radicalisation. Ainsi, les suprémacistes des partis ultra religieux considèrent-ils, par exemple, que la Cisjordanie n’existe pas, son nom est la Judée Samarie depuis les textes bibliques, seule référence acceptable. Ainsi l’expansion des colonies par la violence y est-elle juste. Ainsi, les murs de Gaza doivent-ils s’écrouler comme ceux, jadis, de Jéricho. Ainsi la doctrine de Tsahal - la riposte disproportionnée - répond-t-elle au traumatisme existentiel israëlien. L’état juif est un Etat en armes qui doit pouvoir se prémunir contre tout projet d’extermination. Ainsi l’exprimait Golda Meïr : « Je préfère vos condamnations à vos condoléances ». Elle aurait dit aussi et cela n’a rien à voir mais relâche un peu la pression de votre lecture : « Laissez-moi vous dire ce que nous, Israéliens, avons contre Moïse. Il nous a menés pendant 40 ans à travers le désert pour finalement nous installer dans le seul coin du Moyen-Orient où il n’y a pas une goutte de pétrole. ».
Quant aux prédicateurs qui enflammaient les jeunes assaillants du 7 octobre, en faisant référence à la vie du Prophète, ils présentaient le pogrom du 7 octobre comme « le retour » du Jihad dans toute sa légitimité. Quel retour ? Celui de la razzia menée contre les juifs de l’oasis de Khaïbar (au nord de Médine) en l’an 7 de l’Hégire (628), qui fut, même pour l’époque, une véritable boucherie. Le 7 octobre 2023, les fidèles sont donc revenus massacrer les infidèles avec une cruauté « exemplaire » contre les ennemis de Dieu. La déshumanisation des victimes juives est actée. Le but ultime est, pour les fidèles, la soumission de la planète entière à l’Islam.
L’Afrique du Sud par sa requête accusant Israël d’actes de génocide à Gaza, déposée auprès de la Cour internationale de justice de l’ONU fin décembre 2023, exprime parfaitement ce nouvel ordre du monde, porté par les BRICS avec Moscou et Pékin. Si la CIJ avait intégralement donné raison à l’Afrique du Sud, cela aurait conduit pour l’avenir à interdire à tout état attaqué par un groupe d’assassins de se défendre, sur simple demande d’un état tiers. Une telle incrimination remplacerait la Shoah - comme paradigme du génocide - par les massacres commis par la colonisation européenne, y inclus l’hécatombe à Gaza. Or, si elle demande à Israël de faire son possible « pour prévenir (…) un génocide », la Cour ne mentionne dans sa décision rendue en janvier 2024, ni cessez le feu ni trêve et ne se prononce pas sur la qualification de génocide, qui suppose l’intentionnalité. Cette décision en demi teinte a toutefois permis à l’Afrique du Sud de la saluer et à certains membres de l’UE de prendre leurs distances face à Israël.
1ère de couverture de l'ouvrage Holocaustes, publié chez PLON en mars 2024
Ce regard sur les écrits et les propos de Gilles Kepel n’engage que moi. Que l’auteur me pardonne interprétations et raccourcis approximatifs, s’il en est… Par conséquent, cela n’engage que moi de rappeler que plus de 130 otages - dont combien en vie ?- restent retenus dans les tunnels de Gaza. BRING THEM HOME NOW! Et je veux terminer avec une autre citation de Golda Meïr : « Nous pouvons pardonner aux Arabes d'avoir tué nos enfants. Nous ne pouvons pas leur pardonner de nous avoir obligés à tuer leurs enfants. »
En quoi la guerre ou l’existence de Dieu sont-ils des thèmes à privilégier dans la lettre Joyeuses Saisons ? Un âge avancé éloigne des enjeux quotidiens. On est plus sensible à la marche du monde, qu’on ne maîtrise pas, mais qu’on observe comme un artiste le fait d’un paysage. On prend le temps d’en comprendre les impasses et les contradictions, les lâchetés et les indifférences, mais aussi les progrès pour en contrôler les dérives, les projets pour en simplifier les complexités. On prend le temps de s’adoucir soi-même, pour mieux transmettre aux futurs vieux des histoires de résilience et d’espoir. On sait que ce n’était pas mieux avant, et que ce ne sera pas pire après. On comprend que ce qui compte vraiment c’est d’être aimé encore malgré les rides et les regrets et d’aimer encore. Il nous revient à nous, les Vieux, de raconter comment éviter la cruauté souvent involontaire envers nos proches et nos voisins, pour tenter de prévenir ensuite la guerre de tous contre tous. Il nous revient de défendre celui, celle ou l’enfant qu’on humilie devant nous, de consoler celui, celle ou l’enfant qu’on maltraite devant nous, parce que nos passés nous ont enseigné que la violence engendre la violence. Et les gens les plus violents sont souvent les plus tristes. Il nous revient de projeter la joie autour de nous, à chaque instant, on ne sait jamais combien il nous en reste pour ce faire. Et Dieu dans tout cela ? S’il existe, qu’il nous permette de vivre nos joyeuses saisons, merci à Lui ou Elle.
1ère de couverture de l'ouvrage 'Dieu n'est pas grand' publié chez BELFOND en 2018Mais si vous vous reconnaissez dans le mot de Luis Buñuel « Grâce à Dieu, je suis athée », écoutez le conseil de notre iconoclaste préféré, Jean-Pierre de Nice, lisez ‘Dieu n'est pas grand : Comment la religion empoisonne tout’ de Christopher Hitchens (God Is Not Great: How Religion Poisons Everything). Un remarquable ouvrage, fait d'érudition et d'humour, selon Jean-Pierre, grand lecteur devant l’Eternel (!). Christopher était (il est mort en 2011) diplômé en philosophie et sciences politiques, écrivain et journaliste. Il fut nommé à la 5ème position du classement des 100 plus grands intellectuels par 2 revues, l’une américaine et l’autre britannique.
Mais il est temps de passer la plume à un lecteur assidu des Joyeuses Saisons, contributeur à ses heures : Dominique de Vincennes, qui nous propose un divin éclairage historique…
« En 1955, le développement de l’informatique bat son plein. Le président d’IBM France, Christian de Waldner, se dit que le développement de ce nouvel outil en France serait facilité par l’emploi d’un terme français, en lieu et place du terme « computer » en usage dans les pays anglo-saxons. Ce scrupule judicieux l’honore grandement, d’autant qu’on peut craindre qu’il n’anime plus guère ses lointains successeurs qui, aujourd’hui, s’ingénient à « angliciser » toute novation, pensant - à tort - la rendre plus attrayante pour le public. Christian de Waldner demande donc à son responsable de la publicité (…) de contacter son ancien professeur à la faculté de lettres, Jacques Perret (docteur ès lettres, théologien catholique et latiniste) pour qu’il lui suggère une ou deux dénominations. Plutôt que la paraphraser, je vous livre un bref extrait de la réponse détaillée (…) :
Que diriez-vous d’ordinateur ? C’est un mot correctement formé, qui se trouve même dans le Littré comme adjectif désignant Dieu qui met de l’ordre dans le monde. Un mot de ce genre a l’avantage de donner aisément un verbe, ordiner, et un nom d’action, ordination. L’inconvénient est qu’ordination désigne une cérémonie religieuse ; mais les deux champs de signification (religion et comptabilité) sont si éloignés et la cérémonie d’ordination connue, je crois, de si peu de personnes que l’inconvénient est peut-être mineur. D’ailleurs votre machine serait ordinateur (et non ordination) et ce mot est tout à fait sorti de l’usage théologique. (…).
Ne dit-on pas DEUS EX MACHINA ? ».
Au vrai chic qui déride, avec BRIGITTERécemment, je confiais à un futur vieux - 27 ans - avoir hérité du regard de ma grand-mère et lui posais la question en retour : que lui avait-on transmis à lui ? « Moi, j’ai hérité des pieds de table. » répondit-il... En somme, nous échangions sur nos ancêtres. Que nous reste-t-il d’eux ? Pour clore cette parenthèse qui leur est dédiée, Brigitte Legendre, notre créatrice d’ambiances qui dérident, présente son livre : ‘Idées Chic, 70 idées déco à moins de 100€ ! ‘. On peut en consulter quelques pépites - et plus si affinités - sur le joli site www.ideeschic.com
L’Europe, si l’on en croit notre Président de la République dans son discours du 25 avril 2024, est peut-être aussi mortelle qu’une civilisation. Raison de plus pour saluer dans la joie et la bonne humeur les prochaines élections européennes ! Fulvio de Milan nous envoie une planche originale qu’il avait commise au début des années 80. Dans un sabir franco-italien qui n’appartient qu’à lui, il dessinait alors le triangle amoureux un peu compliqué entre Paris, Berlin et Rome… Allez, un sourire avant de se quitter !
Planche historique de Fulvio Salafia, Prêt de FulvioSalafiaStudio
En savoir plus sur les travaux de Fulvio de Milan : http://www.fulviosalafia.it/ et https://www.behance.net/fulvio6895
N’oublions pas ce cri des femmes afghanes étouffées, en faisant connaître la vidéo réalisée à l’occasion de la fête de Norouz, par des élèves de classes clandestines dans ce pays martyre : https://www.youtube.com/watch?v=z9h2pm5KihQ.
Merci au Club France-Afghanistan (club-france-afgha@orange.fr) de l’avoir diffusée !
En savoir plus … Ou en faire plus : association AFRANE - Amitié franco afghane - qui mène de magnifiques programmes scolaires en Afghanistan : https://afrane.org/
*